PRÉSENTATION
Cet essai critique propose une anatomie de l’explosion de la presse écrite à l’heure où l’ensemble de l’écosystème médiatique est dynamité par les impacts successifs de la révolution numérique et du prodigieux développement des réseaux sociaux. Chaque citoyen, dans la nouvelle société-réseau, a vocation à devenir « journaliste » en s’appropriant des dispositifs légers comme les blogs ou les réseaux sociaux Twitter et Facebook qui offrent un potentiel communicationnel exceptionnel. Des individus possèdent désormais le pouvoir de communiquer entre eux des sons, des textes et des images, d’échanger de l’information, de la redistribuer, de la mélanger à d’autres documents, de réaliser leurs propres photos ou vidéos et de les mettre sur la Toile où des masses de gens vont les voir, et à leur tour participer à la circulation circulaire de l’information... Certains envisagent même un « journalisme sans journalistes », à la manière du média social WikiLeaks, pour garantir, face aux pressions des États, des groupes multimédias géants et des pouvoirs autocratiques, l’existence d’une indispensable information libre et indépendante. Un monde sans secrets...
Mais le passage de l’ère des médias de masse à celle de la masse des médias ne se fait pas sans dégâts. Établis au cours d’un siècle et demi de domination médiatique, les repères théoriques et les références pratiques du journalisme se révèlent, soudain, inadaptés. Sous les diktats de la vitesse, de l’immédiateté et du marché, les lois de l’information changent très vite. Alors que se multiplient les risques de manipulations et de bidonnages. Certains genres plébiscités par l’opinion publique, comme le journalisme d’investigation ou le journalisme de reportage, sont déjà en voie de disparition. Parce qu’ils coûtent cher. Et le nouveau système n’a pas encore mis au point un modèle d’entreprise de presse rentable. Entre-temps, des sites web novateurs continuent d’apparaître et de se renforcer. Mieux adaptés à l’écosystème nouveau, ils entrent en concurrence – et remplacent de plus en plus – les grands médias traditionnels en voie d’extinction.
Le journalisme survivra-t-il ? Sans doute, car il en a vu d’autres... Et n’a jamais connu d’« âge d’or ». Mais pour l’instant il se retrouve un peu dans la situation de Gulliver à son arrivée sur l'île des Lilliputiens, ligoté par des milliers de liens minuscules...
I. Ramonet
SOMMAIRE
Avant-propos :
un changement d’écosystème I. Une crise d’identité
Le sacre de l’amateur Comprendre ce qui se passe Des « médias-soleil » aux « médias-poussière »
Déjà la fin du Blu-ray ? Un paysage tchernobylisé
Newsweek
vendu pour 1 dollar... S’adapter ou mourir Journalistes pressurés La fin des reportages ? Les nouveaux forçats de l’info II. Érosion de la crédibilité des médias
Concentration excessive « Idées saines » Endogamie politico-médiatique La censure démocratique La mort du « quatrième pouvoir » Une seule sphère Une matière première stratégique Pour un « cinquième pouvoir » Appareils idéologiques de la mondialisation L’information contaminée III. « Serial bidonneurs »
Intox sur l’Irak La statue de Saddam L’affaire Kelly L’affaire Valerie Plame Au bord du précipice IV. Innovations et réussites
Journalisme à but non lucratif The Huffington Post
Politico.com
Journalisme de base de données V. WikiLeaks
L’affaire du Probo Koala
Merci Twitter ! Meurtre collatéral Assange diabolisé Au service de l’intérêt public D’abord, ne pas nuire Des démocraties qui mentent L’exception tunisienne Protéger les sources L’affaire Sherrod Des torts dévastateurs VI. Vers quel modèle de rentabilité ?
Le mur payant L’information automatique Infos « low cost » Des « fermes de contenus » Payés au clic Audience ou fiabilité ? Insécurité informationnelle VII. Les journaux vont-ils survivre ?
Les avions ne remplacent pas les bateaux Le succès de Die Zeit